Etape : 18 km
Cumul : 781 km
Départ : 8h00
Météo : 14 degres - couvert - vent - tempête
Alt : 800 m - 1430 m - 900 m
Dépt : Navarre
Gite 6 €
Coquille : 5/5
Enorme...
Fantastique...
Extraordinaire...
Stratosphérique...
Unique...
Dévalant plein gaz la dernière partie de l’étape de 4 km située dans la mythique "forêt de hêtres" tant redoutée par ceux qui franchissent la montagne à cet endroit pour rejoindre Roncevaux, j'arrive avec l’élan emmagasiner pendant cette portion devant la collégiale de Roncevaux du XIIème siècle en "petites foulées" sous la pluie tombante.
Auparavant, au refuge d’Orisson, il est 7 heures du matin quand j'ouvre les yeux après avoir traversé une nuit dantesque venue du bout du monde tant la colère d'Eole, déesse des vents, s'est abattue sur le refuge...
Après m'être levé, douché, préparé et habillé, je me dirige vers la salle à manger du restaurant au rdc en vue du petit déjeuner où sont déjà attablés les Italiens, les Espagnols, les Allemands, quelques Anglais, une Coréene et des Français se préparant chacun et suivant les nationalités leurs petits déjeuner sucrés ou salés.
Les discussions sur la météo et les tartines vont bon train, pour ma part je prends juste un petit café léger avec un verre de jus d'orange...
Avaler du solide au levé m'est toujours difficile ! en général l'appétit vient vers 10 heures.
Dans mon sac à portée de main, quelques provisions feront office d'encas pendant la "traversée"...
A 8 heures je suis prêt...
Certains sont déjà partis bien avant le levé du jour qui à cette époque de l'année apparait un peu avant 8 heures.
Remerciant le patron du refuge de son hospitalité et de ses quelques conseils, saluant en anglais, espagnol, italien en allemand et en français les connaissances de l'étape, en espérant les retrouver pendant l'ascension, je pousse la porte du refuge où m'attend une toute autre ambiance !
A peine sortis, je prend les premières rafales de vent en plein buffet qui n'ont cessées depuis cette nuit...
Il est 8 heures, il fait sombre et de gros nuages flirtent autour des crêtes des montagnes à peine visibles... marchant difficilement contre le vent, les premiers mêtres sur la route bitumée s'élèvent vers ma prochaine destination, un 1er col parmi tant d'autres, s'annonce plus que délicat !
Me voilà partis pendant 13 km jusqu’au col Lopoeder perché à 1430 m d'altitude avec en plus pour corser l'affaire un vent rappelant les grains des côtes atlantiques aux coefficients les plus extrêmes...
Rejoignant un petit groupe de marcheurs en file indienne que j'avais dans le viseur depuis une demi-heure, chacun lutte comme il peut contre les vents de travers et de face ralentissant notre cadence bien huilée. Chassés au raz, certains sont sur le reculoir, d’autres à l’arrêt, impossible d’utiliser nos bâtons... la seule solution est de fournir des efforts supplémentaires au niveau des jambes pour espérer avancer de qlq mètres et surtout rester concentrer sur notre équilibre mis à mal. Fournissant des efforts titanesques, la bouche ouverte à la recherche de l'oxygène à plus de 1000 mètres, je me remémore pour oublier un instant cet enfer et surtout pour me redonner un peu de gaz, d'une conversation avec Eric au sujet d'aigles que l'on pouvait apercevoir à cette altitude !
N’y croyant pas trop sur le coup mais à ses dires, il parait que le moment est assez unique !
Vers 9h30, nous nous retrouvons sur un replat complétement à découvert et sans aucune protection contre un vent qui semble forcir au gré de notre ascension !
Stoppant quelques minutes le temps de reprendre nos esprits, obliger de forcer la voix pour se faire entendre, j'entend
dans les quelques mots qui me parvienne le mot aigle prononcé par un des collègues, montrant du doigt des points noirs en direction du ciel ou plutôt des nuages...
Effectivement se sont bien des aigles par paquets toutes voiles dehors reconnaissables à leurs vols en cercle, donnant l'impression d'une facilité à se mouvoir dans les courants
atmosphériques.
D’une envergure de 2 mètres, le profil du chasseur qui fuse sur sa proie et la décolle du sol, je commence à m’inquiéter de leurs approches en cercle de plus en plus basses. Les camionnettes
de chasseurs sur le bas côté me rassure un peu.
Reprenant notre marche, nous passons avec difficultés les cols les uns après les autres dont certains me rappelle par leurs formes des scènes de films ou de livres reconstituant les grandes batailles des armées de Charlemagne dans les massifs Pyrénéens...
A 11 heures nous atteignons la borne frontière avec beaucoup de joie pour chacun de nous, puis vient rapidement la fontaine de Rolland où je bois un coup pour le symbole et enfin le col Lopoeder indiquant 1430m d altitude.
A ce moment, on éprouve une sensation de liberté d'être arrivé si haut !
Est-ce l'effet de l'altitude ou des rafales de vent en continue, j'ai du mal à me rendre compte des km parcourues et du temps passé depuis le départ du refuge !
Sensation étrange qu’est le temps parfois....
Ayant choisis de prendre la forêt de hêtres, au poteau où sont indiqués les différentes voies pour rejoindre Roncecaux, je prend à droite tandis que les autres prennent à gauche.
Maintenant que le plus dur est fait il me reste 4 km de descente.
Le premier km est duraille pour les genoux, puis vient le régale de la marche à pied en pente légère, je slalome d’arbres en arbres prenant garde aux cailloux et racines sur le chemin de terre.
Expulsé de la forêt, je me retrouve en Espagne devant le vieil édifice de la Collégiale de Roncevaux...
Transition instantanée !!!
Ou allez !
Un peu perdu, sans repères j’avance au pif percevant de plus en plus près la langue espagnole...
1 heure plus tard, et après avoir retrouvé les collègues, tamponné la crédentiale, payé 6 euros, un ticket pour une place dans le dortoir, je m installe parmi les 140 lits collés les uns contre
les autres où défilera toute l’après midi des pèlerins de toutes nationalités expulsés eux aussi de la montagne.